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Septembre 2004<\/p>\n
\u00ab\u00a0Au pied de l’escalier des g\u00e9ants, les projets immenses sont les seuls qu’on puisse former\u00a0\u00bb.<\/p>\n
Le go\u00fbt de la repr\u00e9sentation de ce qu’on appelle \u00ab\u00a0Scena all’angolo\u00a0\u00bb, ou enchev\u00eatrement de portiques, balustrades et piliers \u00e9difi\u00e9s en perspective, a \u00e9t\u00e9 mis \u00e0 l’honneur en Italie du nord par la famille Bibiena (XVll\u00e8me et XVlll\u00e8me si\u00e8cles), architectes et sc\u00e9nographes qui travaill\u00e8rent pour les grandes cours europ\u00e9ennes.<\/p>\n
Dans les oeuvres des peintres primitifs et de la Renaissance, l’on voit d\u00e9j\u00e0 certaines arcades ou fragments de colonnes destin\u00e9s \u00e0 mettre le sujet principal en avant. Au XVll\u00e8me si\u00e8cle, la repr\u00e9sentation de \u00ab\u00a0ruines\u00a0\u00bb en peinture s’intensifie dans les compositions, mais elles ne sont pas encore r\u00e9ellement peintes pour elles-m\u00eames. Citons Pierre-Antoine Patel (1648-1707) chez qui l’on retrouve des ruines plac\u00e9es au milieu d’abondantes v\u00e9g\u00e9tations, ou Jan Franz Van Bloemen dit \u00ab\u00a0L’Orizzonte\u00a0\u00bb (1662 – 1749) \u00e9tabli en 1680 \u00e0 Rome.<\/p>\n
De belles ruines dans un paysage classique id\u00e9alis\u00e9 apparaissent dans certaines compositions d’Etienne Allegrain (Paris,1644-1736) : on peut voir dans la collection Alfred Baden de Milwaukee un tr\u00e8s beau \u00ab\u00a0Paysage au Lac\u00a0\u00bb assez repr\u00e9sentatif de son style. Dans la \u00ab\u00a0Mort des enfants de B\u00e9thef’ r\u00e9alis\u00e9 en 1653 par Laurent de la Hyre, les ruines donnent un aspect th\u00e9\u00e2tral \u00e0 la sc\u00e8ne mais ne sont pas encore l’\u00e9l\u00e9ment principal de l’oeuvre.<\/p>\n
Pour le XVll\u00e8me si\u00e8cle, on peut encore citer \u00ab\u00a0L’arc de Constantin\u00a0\u00bb, dessin de Jan Asselijn (Dieppe vers 1615-Amsterdam,1652), conserv\u00e9 au cabinet des dessins du Mus\u00e9e du Louvre (inv.22420).<\/p>\n
C’est le XVIll\u00e8me si\u00e8cle qui d\u00e9veloppa r\u00e9ellement la \u00ab\u00a0mode\u00a0\u00bb des images de ruines. L’\u00e9dition des quatre premiers volumes de \u00ab\u00a0Antichita Romane\u00a0\u00bb ou Antiquit\u00e9s Romaines par l’architecte et graveur V\u00e9nitien Giovanni Baptista Piranesi (Venise 1720 – Rome 1778) y fut pour beaucoup.<\/p>\n
Le succ\u00e8s de ces ouvrages fut \u00e9norme. Piran\u00e8se avait compris la beaut\u00e9 de ces ruines, ses gravures mettant en avant de mani\u00e8re magistrale le charme et la po\u00e9sie qui se d\u00e9gageaient de ces pierres, statues en partie amput\u00e9es, amas de d\u00e9bris et colonnades au milieu des herbes folles de la campagne romaine. Citons sa c\u00e9l\u00e8bre repr\u00e9sentation du \u00ab\u00a0Colis\u00e9um avec son pan de mur manquant\u00a0\u00bb suite au tremblement de terre de 1349, ou sa s\u00e9rie des \u00ab\u00a0vedute di Roma\u00a0\u00bb.<\/p>\n
L’imagination de Piran\u00e8se a conf\u00e9r\u00e9 aux ruines des dimensions cyclop\u00e9ennes, qui apparaissent comme les vestiges d’un monde d\u00e9sert\u00e9, autrefois peupl\u00e9 de demi-dieux. Ses gravures sont porteuses d’un monde de mort davantage sugg\u00e9r\u00e9 par un sentiment d’incompr\u00e9hension devant les restes antiques que par leur d\u00e9solation.<\/p>\n
Le peintre V\u00e9nitien Canaletto (Venise 1697 – Venise 1768) a, dans ses premi\u00e8res oeuvres, repr\u00e9sent\u00e9 des vues de ruines romaines, tels que \u00ab\u00a0L’arc de Constantin\u00a0\u00bb ou le \u00ab\u00a0Caprice Romain\u00a0\u00bb, avant m\u00eame de peindre ce qui fit sa gloire, la peinture de v\u00e9dute (vues) de Venise. Les pr\u00e9curseurs du genre avaient \u00e9t\u00e9 le peintre Hollandais Vanvitelli (Utrecht 1653 – Rome 1736), ou le fameux Luca Carlevarijs (Udrio 1663 -Venise 1729).<\/p>\n
Dans les repr\u00e9sentations de \u00ab\u00a0ruines\u00a0\u00bb de Canaletto, on d\u00e9c\u00e8le l’influence du peintre Marco Ricci (Belluno,1676-Venise,1730), peintre de ruines qui introduisit le genre \u00e0 Venise.<\/p>\n
Ce sont les anglais qui furent les plus friands des oeuvres de Canaletto. Ils rentraient au pays avec des repr\u00e9sentations de ce qu’ils avaient vu durant leur voyage. Sans donner de consonance p\u00e9jorative \u00e0 ce terme, on peut dire que ces v\u00e9dute \u00e9taient les \u00ab\u00a0cartes postales\u00a0\u00bb de l’\u00e9poque.<\/p>\n
Gian-Paolo Panini (Plaisance 1695 – Rome 1768) fut un des grands noms de la peinture n\u00e9o-classique qui a produit v\u00e9dute et caprices architecturaux (vues de monuments dont la composition est fantaisiste). En effet, il repr\u00e9sentait des architectures et vestiges de monuments antiques, mais pas toujours o\u00f9 ils se trouvaient r\u00e9ellement.<\/p>\n
Le go\u00fbt du th\u00e9\u00e2tral de Panini tient certainement au fait qu’il faisait partie de l’entourage des Bibiena \u00e0 ses d\u00e9buts. Les vestiges et monuments qu’il repr\u00e9sente sont authentiques, mais ils les int\u00e8grent dans des compositions qui n’ont rien \u00e0 voir avec leur emplacement original.<\/p>\n
En dehors du charme de ses oeuvres, on d\u00e9c\u00e8le en filigrane une ambiance de drame, la puissance de l’empire n’\u00e9tant plus que morceaux…<\/p>\n
\u00a0<\/u><\/p>\n
Splendeur et ruine de la Rome antique <\/u><\/p>\n
Le peintre Andr\u00e9a Locatelli (Rome 1695 – 1741) est consid\u00e9r\u00e9 avec Panini comme un des meilleurs initiateurs du genre.<\/p>\n
Pierre-Antoine Demachy (1723-1807) lui n’a jamais \u00e9t\u00e9 \u00e0 Rome mais peignait avec pr\u00e9cision des ruines imaginaires. Ce go\u00fbt lui avait sans doute \u00e9t\u00e9 transmis par son professeur, le peintre et architecte Florentin Jean-Nicolas Servandoni (1695 – 1766) qui a principalement travaill\u00e9 en France et r\u00e9alis\u00e9 de nombreux d\u00e9cors de th\u00e9\u00e2tre.<\/p>\n
\u00ab\u00a0Robert des ruines\u00a0\u00bb \u00e9tait le surnom donn\u00e9 au peintre Hubert Robert (1733-1808), arriv\u00e9 \u00e0 Rome en 1754 gr\u00e2ce \u00e0 la protection que lui accordait le comte de Stainville (ambassadeur de France et futur Duc de Choiseul). Il put loger \u00e0 l’Acad\u00e9mie de France qui se trouvait au Palais Mancini ; il devait certes payer sa pension au cuisinier, mais on sait que ces frais \u00e9taient r\u00e9gl\u00e9s par le comte de Stainville.<\/p>\n
L’atelier et les imprimeries du grand Piran\u00e8se \u00e9taient proches du Palais Mancini.<\/p>\n
Hubert Robert ne quitta Rome qu’en 1765. Durant ces onze ann\u00e9es, il visita d’autres villes italiennes faisant partie du \u00ab\u00a0Grand Tour\u00a0\u00bb, notamment Florence et Naples en compagnie de l’abb\u00e9 de Saint-Non(1) qui grava plusieurs sanguines de son compagnon de voyage.<\/p>\n
Rome, comme chez beaucoup d’artistes, l’a \u00e9mu et l’on sait qu’il se promenait toujours le carnet de dessins sous le bras. Dans la sanguine du mus\u00e9e de Valence, \u00ab\u00a0Les dessinateurs au Palatin\u00a0\u00bb, on a souvent voulu voir la repr\u00e9sentation d’Hubert Robert et de Jean-Honor\u00e9 Fragonard (1732-1806) qui jusqu’en 1761 fut \u00e9galement pensionnaire de l’Acad\u00e9mie de France \u00e0 Rome.<\/p>\n
Hubert Robert \u00e9tait un fervent amateur des oeuvres de son a\u00een\u00e9 Gian-Paolo Panini dont il poss\u00e9dait plusieurs oeuvres.<\/p>\n
Le contraste entre la vie des petites gens se d\u00e9roulant normalement au milieu de ces restes de magnificence a frapp\u00e9 \u00ab\u00a0Robert des ruines\u00a0\u00bb qui a peint ces sc\u00e8nes : jeunes gar\u00e7ons gardant leurs ch\u00e8vres entre les colonnes des temples, sujets plus l\u00e9gers avec de jeunes femmes pendant leur linge sur des fils pendus entre deux ruines entour\u00e9es de bustes antiques, leurs bambins jouant au milieu de ce d\u00e9cor ; ou des sujets plus graves quand il repr\u00e9sente un personnage observant un sarcophage en plein air, sorte de m\u00e9ditation sur les ruines et la mort.<\/p>\n
Tous ces artistes ont \u00e9galement produit beaucoup d’aquarelles et de dessins de ruines. Les prix en \u00e9tant alors accessibles ont un plus grand nombre d’amateurs. Un des plus c\u00e9l\u00e8bres \u00e9tait l’architecte et dessinateur Charles-Louis Cl\u00e9risseau (Paris 1721 – Auteuil 1820) qui a voyag\u00e9 en Italie avec Winckelmann(2) et influenc\u00e9 nombre d’architectes anglais et russes de son temps.<\/p>\n
Aussi le Dijonnais Jean-Baptiste Lallemand (1710-1805) qui, durant son voyage en Italie, a \u00e9t\u00e9 influenc\u00e9 par les oeuvres de Piran\u00e8se et Panini, et cr\u00e9a la plupart du temps des toiles o\u00f9 l’on d\u00e9couvre des ruines dans des villes imaginaires.<\/p>\n
Le XlX\u00e8me connut encore quelques peintres qui repr\u00e9sentaient les ruines, mais avec une sensibilit\u00e9 picturale romantique, tel Auguste Anastasi (Paris 1820 – Paris1889) qui a souvent repr\u00e9sent\u00e9 des vues de la campagne romaine.<\/p>\n
Ces ruines eurent un tel succ\u00e8s que l’on en r\u00e9alisa des r\u00e9ductions sculpt\u00e9es destin\u00e9es aux amateurs et aux collectionneurs : elles furent fabriqu\u00e9es en marbre, alb\u00e2tre et bronze.<\/p>\n
Tous ces artistes fascin\u00e9s par ses vestiges antiques ont remis \u00e0 l’honneur la majest\u00e9 de ses ruines souvent plac\u00e9es dans leurs compositions au gr\u00e9 de leur fantaisie.<\/p>\n
<\/p>\n
Vivian Miessen<\/p>\n
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Notes : (1) Jean-Claude Richard, abb\u00e9 de Saint-Non (Paris,1730-1804), arch\u00e9ologue et collectionneur fran\u00e7ais. Son livre \u00ab\u00a0Le voyage pittoresque des royaumes de Naples et de Sicile\u00a0\u00bb, illustr\u00e9 par Hubert Robert et Jean-Honor\u00e9 Fragonard connut un grand succ\u00e8s au XVlll\u00e8me si\u00e8cle.<\/p>\n
(2) Johann Joachim Winckelmann (StendalBrandebourg,1717-Trieste,1768), Historien d’art et Arch\u00e9ologue Allemand qui fut le chantre du n\u00e9o-classicisme. Son histoire de l’art et de l’antiquit\u00e9 eu une influence consid\u00e9rable sur les th\u00e9ories artistiques de l’\u00e9poque.<\/p>\n
R\u00e9f\u00e9rences bibliographiques : * \u00ab\u00a0Les collections et les collectionneurs \u00e0 Rome a la fin du XVlll\u00e8me si\u00e8cle\u00a0\u00bb, in Revue des Deux-Mondes, Janvier 1896. * \u00ab\u00a0Piranesi\u00a0\u00bb, in Revue Historique, tome 130, 44\u00e8me ann\u00e9e, 1er trimestre 1910. * \u00ab\u00a0La peinture au si\u00e8cle de Louis XV\u00a0\u00bb, Galerie Nationale d’Ottawa,1976. * \u00ab\u00a0Rome et ses ruines dans la peinture du XVlll\u00e8me si\u00e8cle\u00a0\u00bb,CDA N\u00b0356, Octobre 1981. * \u00ab\u00a0Hubert Robert et le paysage architectural dans la seconde moiti\u00e9 du XVlll\u00e8me si\u00e8cle\u00a0\u00bb, ouvrage collectif : N.N.Novosselska\u00efa, I.S.Nemilova, M.D.Drovina, L\u00e9ningrad, \u00e9ditions du Mus\u00e9e de l’Ermitage,1983. * \u00ab\u00a0Hubert Robert et les jardins\u00a0\u00bb par Jean de Cayeux, \u00e9ditions Herscher, 1987.<\/p>\n
Copyright \u00a9 2004 M\u00e9moires et Vivian Miessen. Tous droits r\u00e9serv\u00e9s.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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