L’expertise d’oeuvres d’art et les moyens à la disposition de l’expert Entre technique, oeil et connaissance…
Le matériel « scientifique » accessible a l’expert en oeuvres d’art est principalement la loupe et la lampe « WOOD », inventée par le physicien américain R.W .Wood (1868-1955) dont la fluorescence des rayons ultra-violets permet de déceler les repeints de moins de 80 ans d’âge et les signatures apocryphes .Pour les céramiques, cette lampe fera ressortir les restaurations non visibles a l’oeil nu.
Les laboratoires spécialisés du type UCL, basé a Louvain-la-Neuve, pourront proposer a l’expert plusieurs types d’analyse. Celles-ci sont assez coûteuses, c’est pourquoi il conviendra toujours, avant de faire appel a ces laboratoires, de faire le rapport :
Coût de l’analyse scientifique / Valeur de l’oeuvre en cas d’authenticité. Quelques types d’analyses scientifiques : 1/ L’analyse chimique des pigments définit si les mélanges de peinture étaient bien ceux utilisés a l’époque. 2/ La microsonde électronique de Castaing donne une analyse ponctuelle par balayage des couches de peinture.
3/ Les rayons de « Rôntgen », ou rayons X, radiographient l’oeuvre un peu comme en médecine, ils transpercent la couche picturale du tableau et permettent de voir le « squelette » de rceuvre.
4/ Microscopie optique ou électronique.
5/ Le carbone 14 permet d’identifier l’ancienneté des matières, avec une légère marge d’erreur (convient pour les matières comme le bois, l’ivoire, les tissus), ne détermine que l’ancienneté des matières et non l’époque de fabrication de l’objet.
6/ Le test de thermoluminescence d’ »Oxford »est indispensable pour l’authentification par la datation (seule méthode) des terres cuites antiques.
7/ La métallographie étudie les compositions des alliages et la pénétration de le corrosion en profondeur.
On peut citer un cas connu pour lequel la dendrochronologie donna la solution. Il s’agit d’une seconde version du célèbre tableau « La chute d’Icare » de Pierre Breughel l’ancien (1525/1530-1569). Le grand public connaît la version du musée d’art ancien de Bruxelles, mais moins celle de la collection David et Alice Van Buuren .
La version se trouvant dans la demeure bruxelloise de ces collectionneurs hollandais fut un temps considérée comme l’original par Léo Van Puyvelde, ensuite comme une réplique* mais ce fut l’examen dendrochronologique qui révéla que ce panneau datait de quelques dizaines d’années après la mort du maître et était donc l’oeuvre d’un suiveur de qualité.
En dehors de la datation, l’analyse scientifique, terme rassurant pour le grand public et I’ « amateur » d’oeuvres d’art, ne pourra pas grand-chose. Il m’est arrivé de voir des faux manifestes dont les propriétaires brandissaient avec aplomb un document d’ « analyse scientifique » qui celui-là était authentique.
C’est pourquoi l’on a coutume de dire que celle-ci résout des problèmes qui ne se posent pas. Et ne permet pas de résoudre des problèmes qui se posent.
A-t-on affaire a une oeuvre originale de Rubens ou a une copie d’atelier, à l’oeuvre d’un suiveur ou sommes nous en face d’une réplique de l’original ?
Est-ce une oeuvre de Corot ou de l’un de ses élèves comme Lavieille ou Morel-Lamy dont Corot signa complaisamment de nombreuses toiles ?
Dans tout ces cas, l’analyse scientifique confirmera que les pigments employés sont bien d’époque, ainsi que les supports, ce qui ne confirmera ni n’infirmera rien quand a l’authenticité de l’oeuvre.
L’analyse scientifique a donc montré ses limites.
Les armes essentielles de l’expert en oeuvres d’art restent son oeil exercé en contact permanent avec les oeuvres, une connaissance livresque approfondie des sujets le concernant et quand cela est possible, une recherche de l’historique de l’oeuvre et une recherche dans les documents d’archives. Pour les oeuvres importantes, l’expert fera appel aux spécialistes de l’oeuvre de l’artiste ou du type d’objets a expertiser.
Expert spécialisé ne voulant pas dire spécialiste.
Un expert de l’école française du XVllème siècle ne sera pas nécessairement spécialiste de l’oeuvre de Nicolas Poussin. Il doit faire alors appel a la personne autorisée, ce qui revient a dire que l’expert doit se donner une obligation de moyens. Sinon, il s’expose à d’éventuelles poursuites.
Parmi de nombreux exemples, on peut retenir le jugement du tribunal de grande instance de Paris(1), qui a condamné un expert dans le cadre de l’authentification d’une oeuvre de Paul Gauguin : il avait « omis » de s’assurer que l’oeuvre concernée était bien répertoriée dans les travaux de la fondation Wildenstein, alors qu’il ne pouvait ignorer la compétence et l’autorité de ce spécialiste incontesté de Gauguin, qui faisait paraître, après de longues années de recherches, le catalogue raisonné des oeuvres de ce peintre excluant précisément cette toile ».
On voit qu’en France, on ne badine pas avec les responsabilités des experts.
L’expert a donc une obligation de moyens, mais non de résultat, dans la rédaction de son rapport. Il devra toujours indiquer ses réserves éventuelles en cas de doute sur l’authenticité de l’oeuvre expertisée afin de se prémunir contre toute contestation.
Ex . : Dans l’état actuel des recherches sur l’oeuvre de « nom de l’artiste », je pense que… Je considère que, sous toutes réserves, cette oeuvre est bien de « nom de l’artiste »…
Dans ces cas précis, l’expert n’apporte aucune certitude, mais des présomptions sérieuses sur l’authenticité de l’oeuvre.
Rappelons nous ces quelques mots du célèbre expert et marchand d’art Charles Durand-Ruel : « L’expert se trompe comme se trompe le médecin ou le juge, mais lorsqu’il se trompe, on lui demande des comptes, on en demande rarement au médecin et jamais au juge. Et personne n’aurait l’idée de mettre en doute l’utilité du médecin et du juge sous prétexte qu’il se trompe ».
La chute d’Icare
http://wwvv.art-memoires.com/lmter/14648/46vmexscientifhtm 11/10/2004
Vivian Miessen
* Une réplique est une copie de l’original par le maître. 11/TGI Paris, 1ère chambre, 25 février 1987, Journ. des C.P.1987, p.194. Liens utiles sur notre site : * Service d’Archéométrie de l’ULg, par Dominique Allard. * Techniques d’examen des peintures, par Christian Bodiaux. * L’ABC de l’examen d’un tableau, du même auteur.
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